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Le blog des Amis de la Cité de l'espace

BIOMASS : un satellite au service du climat

15 Avril 2025 , Rédigé par Richard Clavaud

Biomass va pouvoir évaluer avec précision l'impact des forêts sur le cycle du carbone et les changements climatiques. Vue d’artiste. © ESA/ATG medialab.

Le 29 avril, Arianespace  lancera Biomass depuis le Centre spatial guyanais de Kourou grâce à Vega-C. Le précédent vol de ce lanceur léger européen, dont le maître maître d’œuvre est l’entreprise italienne Avio, a eu lieu le 5 décembre dernier avec la mise en orbite de Sentinel 1C. Plus léger qu'Ariane 6, il offre une solution de lancement flexible et polyvalente pour une grande diversité de missions en orbite basse.
Le satellite Biomass a été construit en Allemagne par Airbus Defence & Space qui a réalisé à Toulouse sa campagne d'essais mécaniques avant l’envoi à Kourou. Thales Alenia Space a développé dans son établissement de Cannes le système d'alimentation de l'antenne du radar à ouverture synthétique (SAR), instrument clé de la performance de ce satellite.

Biomass est la septième mission du programme Earth Explorer de l’ESA. Elle a pour objectif de dresser une cartographie de la biomasse et de la hauteur des forêts de la planète ainsi que de quantifier sa réduction annuelle, causée par la déforestation. Ces forêts constituent des « puits de carbone » capables de capter et de stocker du CO2 présent dans l’atmosphère. L’ADEME (Agence de la transition écologique) estime que 20 % des émissions françaises sont captées chaque année par les puits de carbone naturels.
Biomass va donc être un nouvel outil pour limiter certaines causes du changement climatique et pour l’adaptation à ses effets.

Son arrivée au Centre spatial guyanais de Kourou. © ESA

Pour illustrer cette actualité, nous vous proposons un article présentant le projet rédigé en 2015 par Shaun Quegan, aujourd’hui Directeur du Centre for Terrestrial Carbon Dynamics du National Environmental Research Council du Royaume-Uni et directeur du Sheffield Center for Earth Observation Science. Ce mathématicien est Investigateur principal de la mission Biomass avec sa collègue Thuy Le Toan du CESBIO à Toulouse (Centre d’Etudes Spatiales de la Biosphère).

                                                                                                                            

La biomasse, puits de carbone

Lorsque vous marchez dans une forêt, tout ce qui vous entoure fait partie de la biomasse – l’ensemble des organismes vivants de la forêt – dont les animaux et les oiseaux ne constituent qu’une faible partie. L’essentiel se trouve dans les troncs des arbres, leurs branches et juste sous vos pieds, dans leurs racines. La biomasse a toujours été précieuse pour l’humanité comme source d’énergie, de matériaux de construction et, aujourd’hui, pour son rôle dans le changement climatique. Étant composée à environ 50% de carbone, sa destruction entraine des émissions de dioxyde de carbone et aggrave le changement climatique, alors que sa croissance permet de le capter dans l’atmosphère : la biomasse des forêts est reconnue sur le plan international comme le seul puits de carbone susceptible de compenser les émissions des gaz à effet de serre.

Quantités de carbone séquestré dans la biomasse ou émis dans l'atmosphère par la filière forêt-bois, moyenne entre 2015 et 2020.© Académie des sciences.

Nous connaissons son volume et sa distribution essentiellement grâce à des mesures in situ. Elles proviennent surtout de l’industrie forestière qui a besoin de réaliser des inventaires forestiers intensifs dans les zones tempérées et boréales. Par contre, il n’existe que peu de données in situ sur la biomasse des forêts tropicales naturelles qui n’ont jamais été exploitées de cette manière. Ce manque de connaissances s’est révélé critique lorsqu’il est devenu évident que leur déboisement contribuait de façon significative aux émissions de carbone. On estime qu’il est responsable mondialement d'environ 10% des émissions anthropogéniques de gaz à effet de serre mais les marges d’incertitude liées à cette estimation dépassent les 50 %.

Du fait de l’immensité, de l’éloignement et de la difficulté d’accès à ces forêts tropicales, nous ne pouvons pas nous appuyer sur des mesures in situ, même si les LIDARS (Light Detection And Ranging) aéroportés peuvent être utiles pour cartographier la biomasse de ces forêts à l’échelle régionale. D’où les importants efforts entrepris pour essayer de mesurer la biomasse depuis l’espace, avec des instruments LIDAR et radar. Ces deux types de capteurs actifs envoient de l’énergie vers leur cible et mesurent le signal qu’elle réfléchit. Mais les deux ont leurs limites.

Au cœur de la canopée

Vue globale des données sur la hauteur des forêts recueillies par l'instrument GEDI à bord de la Station spatiale internationale. Le brun et le vert foncé représentent la végétation plus courte, le vert vif et le blanc la plus haute. Cette visualisation utilise des données collectées entre avril 2019 et avril 2020. La hauteur est exagérée pour représenter la variation à cette échelle. © NASA's Scientific Visualization Studio.

De 2003 à 2009, le LIDAR du satellite ICESat de la NASA a mesuré la hauteur globale des forêts. Basées sur la relation entre leur hauteur et leur biomasse, ces mesures ont permis d’établir deux cartes de la biomasse tropicale qui présentent des différences notables. Les écarts proviennent en partie des différentes méthodes et des données de calibration sur lesquelles elles sont basées mais également des variations spatiales dans la relation hauteur/biomasse.

Le radar est aussi limité par les longueurs d’onde qu’utilisent les capteurs actifs actuels. Or, pour parvenir jusqu’au couvert inférieur, qui abrite la plus grande quantité de biomasse, il faut disposer de la plus grande longueur d’onde possible. Jusqu’en 2004, les radars travaillaient dans des longueurs d’onde ne dépassant pas 24 cm, ce qui est utile pour étudier des forêts à faible biomasse comme les zones boisées tropicales ou les forêts replantés, mais inefficace pour les forêts tropicales luxuriantes sur lesquelles il est urgent de disposer d’informations. Cependant, un nouveau programme scientifique adopté en 2004 a ouvert la voie à la mission BIOMASS de l’ESA.

Cette mission comporte un radar opérant dans une longueur d’onde de 70 cm, ce qui devrait lui permettre de détecter toute la gamme de la biomasse présente sur la planète et de fournir sa cartographie biannuelle et la hauteur des forêts, cela durant quatre ans et à une résolution de 200 m. Le LIDAR GEDI (Global Ecosystem Dynamics Investigation) de la NASA, installé sur la station spatiale internationale en 2018, constitue un précieux complément à la mission BIOMASS.

Le but de ces missions est de fournir les premières observations, en haute résolution et à l’échelle globale, de la structure verticale des forêts tropicales et tempérées. Un grand pas en avant en matière d’estimation de la répartition de la biomasse aérienne.

Shaun Quegan, Sheffield University
Source : Changement climatique et Satellites, Savoir pour Agir.
Éditions Suds-Concepts, 2015

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