Une gouvernance internationale pour un Océan durable

6 Octobre 2025 , Rédigé par Richard Clavaud

Douze pays européens viennent de lancer le Mercator International Center for the Ocean, la première organisation intergouvernementale au monde dédiée aux services numériques et aux systèmes d’information pour l’Océan. Une reconnaissance pour la société toulousaine Mercator Ocean International.

Invité en septembre dernier de notre émission radio les Amis de la Cité de l’espace* sur Campus FM 94 MHz, son fondateur et directeur général Pierre Bahurel nous a présenté ses activités

Signature de la déclaration commune pour la création du Mercator International Centre for the Ocean à Nice, le 9 juin 2025. © Ministère français de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche.

En décembre 1972, nous avons pu admirer pour la première fois, en couleurs et dans son entier, l’image de notre planète vue de l’espace par les astronautes de la dernière mission lunaire Apollo : une sphère bleue flottant dans l’immensité. Depuis nous l’appelons la planète bleue, du bleu de l’océan.

Cet océan couvre environ 71 % de la surface de la Terre et notre vie dépend de ses écosystèmes uniques et essentiels. Il joue un rôle décisif pour la régulation climatique en absorbant près du quart des émissions de gaz carbonique d'origine anthropique et en produisant plus de 50 % de notre oxygène. Mais pas seulement :

plus de 10 % de la population mondiale est tributaire des produits de la mer comme principale source de protéines animales
80% du commerce mondial - en valeur- est assuré par le transport maritime
40 % de la population mondiale vit à moins de 100 km des côtes
au moins 50 % du tourisme mondial est constitué par le tourisme côtier et marin.

Or, s’il existe des organisations internationale pour la santé (OMS), la météo (OMM), le commerce (OMC), la finance (FMI) etc. aucune n’était en charge de l’Océan. C’est maintenant le cas suite à la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC 3) qui s’est tenue à Nice en juin dernier. Sous l’impulsion de la France et de la Norvège, douze pays européens ont lancé la première organisation intergouvernementale au monde dédiée aux services numériques et aux systèmes d’information pour l’Océan : le Mercator International Center for the Ocean. Objectif : « Accélérer l’action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’Océan ». Parmi eux, la communauté scientifique et industrielle spatiale qui joue un rôle essentiel.

Copernicus et le Jumeau Numérique de l’Océan

Société civile détenue par dix actionnaires européens, l’entreprise toulousaine Mercator Ocean International devient donc une organisation internationale. Selon son fondateur et directeur général, Pierre Bahurel, ce changement de statut « marque un tournant décisif pour notre discipline. Avec une infrastructure robuste comme le programme Copernicus Marine et le Jumeau Numérique de l’Océan, une communauté scientifique structurée grâce à la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques, et une gouvernance adaptée portée par cette nouvelle organisation Intergouvernementale, l’océanographie opérationnelle atteint enfin sa maturité. »

Lancée il y a trente ans par de grands instituts français, délégataire depuis 2014 du Copernicus Marine Service européen, Mercator Ocean International est devenue un champion européen de la modélisation de l’Océan et des prévisions marines. En intégrant les observations satellitaires et in situ dans des modèles numériques avancés, la société « fournit des services de prévision complets sur l’Océan bleu (physique), vert (biogéochimique) et blanc (glace de mer), en tenant compte des effets du réchauffement climatique et des pressions anthropiques, ainsi que des variations naturelles ».

Pilier du Pacte Européen pour l’Océan, le Jumeau Numérique de l’Océan est un modèle intégré de l’Océan alimenté par l’intelligence artificielle, « conçu pour simuler et explorer des simulations avancées, des scénarios dits « what if » qui révèlent les impacts potentiels de nos décisions – passées, présentes et futures – sur l’environnement marin et les activités socio-économiques. »

Ces avancées devraient favoriser la mise en œuvre de l’objectif 14 de l’Agenda 2030 des Nations unies unissant le bien-être humain, le progrès économique, la justice sociale et la santé environnementale : « Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ».

L’engagement des jeunes scientifiques

Invités lors de notre émission sur Campus FM, deux jeunes collaborateurs océanographes doctorants, Ergane et Tony, nous ont fait partager leur passion pour l’Océan. Ergane travaille sur la mission SWOT, lancée en 2022 : « Mon doctorat porte sur l’amélioration des modèles de prévision océanique, notamment l’assimilation de la topographie des eaux de surface et des océans ».

Tony travaille à la réalisation de modèles prédictifs du mouvement des tortues juvéniles suivies par balises satellites : « Nous intégrons à ce suivi des données d’analyse et de prévisions océaniques de Mercator Ocean telles que la température, la hauteur de la surface de la mer et la bathymétrie. Cela améliore la protection de ces espèces ».

Aperçu d’une année de suivi des tortues juvéniles. © Aquarium de La Rochelle/Tony Candela/Upwell

Si la création d’une organisation internationale en charge de l’Océan constitue une avancée c’est aussi un défi pour les scientifiques et les entreprises, — en particulier dans le spatial qui joue un rôle essentiel en matière d’océanographie — qui doivent se mobiliser pour innover et susciter des vocations de techniciens, d’ingénieurs, de chercheurs...

Alors que les attaques contre la science se multiplient et que le climato-scepticisme progresse dans certaines sphères de la société, les jeunes générations d’étudiants et de scientifiques sont prêtes à relever ces défis comme l’ont souligné Ergane et Tony. Malgré un contexte difficile. Selon Tony, « Même si ces carrières passent souvent en second plan du fait du contexte socio- économique,— les travaux de recherche ne sont en effet pas les plus lucratifs aujourd’hui —, nous devons montrer leur impact pour mieux les valoriser ainsi que leurs résultats et engager la confiance du public dans la science ».

C’est là aussi une des missions de notre association Les Amis de la Cité de l’espace, grâce à nos conférences, samedis-découvertes, émissions de radio et autres manifestations réalisées en partenariat avec la Cité de l’espace et d’autres organismes.

Richard Clavaud

* Pour écouter notre émission sur Campus FM 94 MHz :
https://www.vodio.fr/vodiotheque/i/27889/mercator-ocean-01-10-2025/