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Le blog des Amis de la Cité de l'espace

Le vol 4 du Starship du 6 Juin 2024

18 Septembre 2024 , Rédigé par Eric Tronche Publié dans #Actualité spatiale, #SpaceX

Page de garde du site internet de SpaceX - https://www.spacex.com/vehicles/starship/

Page de garde du site internet de SpaceX - https://www.spacex.com/vehicles/starship/

Nul besoin de présenter le Starship, le dernier né de la flotte de SpaceX, le futur vaisseau interplanétaire de l’humanité. L’entreprise d’Elon Musk va vite, très vite, et fait évoluer en parallèle de nombreux sous-systèmes, les structures, les moteurs, avec une fabrication en masse et de multiples tests 24 heures sur 24. Chaque vol d’un prototype est accompagné de nouveautés et de modifications, avec quelque fois des éléments en test pour les vols suivants. SpaceX va vite, certes, car il s’agit non pas de qualifier un lanceur futuriste pour conquérir notre système solaire, mais en première étape de concevoir un système de dépose d’humains à la surface lunaire. Artemis, le programme de la NASA, composé du lanceur lourd SLS, et de la future station cis-lunaire Gateway, a misé sur le Starship pour se poser sur la Lune. Et Musk ne supporterait pas que SpaceX ralentisse le programme étatique, il s’y est engagé, et quand on connait un peu le personnage, on sait qu’il ne renoncera pas ! Comme on dit sur les réseaux, « pas le temps de niaiser chez SpaceX » !

Boca Chica et ses matériels en constante évolution

Le complexe spatial de Boca Chica s’étale sur 4 sites principaux : un site de lancement, avec bientôt un deuxième pas de tir, un site de production, un site d’assemblage (le site de Sanchez), et un site d’essais (le site de Masseys).

Nul besoin de revenir sur les possibilités du recyclage et sa rentabilité, l’entreprise a prouvé au monde entier que l’on pouvait concevoir un lanceur recyclable en partie, comme la Falcon 9, et faire de ce lanceur l’un des meilleurs au monde, en termes de coût, de précision de retour, de flexibilité, de réactivité, etc. Mais pour le Starship, on est encore à un niveau supérieur, le lanceur est totalement recyclable ! Rappelons brièvement ses caractéristiques :

  • Le booster mesure 73 mètres de haut pour 9 mètres de diamètre, avec une masse au décollage de 3600 tonnes (200 tonnes à sec et 3 400 tonnes d’ergols). Il est propulsé par 33 moteurs Raptor alimentés par un mélange de Méthane et d’Oxygène liquides, ces carburants étant synthétisables sur Mars.
  • Le vaisseau mesure dans sa version actuelle 50 mètres de haut pour 9 mètres de diamètre. Sa masse au décollage est de 1 300 tonnes (100 tonnes à sec et 1 200 tonnes d’ergols). Il est propulsé par 6 moteurs Raptor dont 3 sont optimisés pour le vide. Pour sa protection lors de la rentrée atmosphérique, il dispose de tuiles thermiques hexagonales pouvant résister à des températures supérieures à 1 300 degrés.
  • L’ensemble, soit le Starship au complet est construit en acier inoxydable, donnant un lanceur complet de 121 mètres de haut pour presque 5 000 tonnes au décollage (2 610 tonnes pour le SLS) et environ 7 300 tonnes de poussée (4 300 pour le SLS, 3 500 pour la Saturn V). Les Starship V2 auront une capacité de lancement et une architecture légèrement supérieure à la version V1, mais la version V3 changera d’échelle ! Le Ship passera de 50 à 70 mètres, le booster de 73 à 80 mètres, ce qui donnera un vaisseau complet de 150 mètres de haut (62 mètres pour Ariane 6), avec une capacité d’emport doublée !
Assemblage booster et ship - Vidéo SpaceX

Assemblage booster et ship - Vidéo SpaceX

  • La tour de lancement prénommée Mechazilla, mesure 146 mètres de hauteur. Elle dispose de gigantesques bras robotiques, les chopsticks, en forme de pinces qui positionnent le vaisseau sur le booster, en maintenant l’ensemble, et en assurant les alimentations diverses. Jusqu’au vol numéro 4, la tour n’a été utilisée qu’en mode lancement, mais à partir du vol numéro 5, les équipes devraient tenter une récupération : lors de l’approche du booster, les bras de la tour seront ouverts de 30 degrés pendant un vol stationnaire de 5 secondes, et se refermeront. Pour absorber le choc, un astucieux système de poulies et de contre poids est imaginé, avec un treuil de plateforme de forage d’une capacité de 1 245 tonnes !
  • La table orbitale est un gigantesque « tabouret » à 6 pieds de 18 mètres de hauteur, sur lequel le lanceur est arrimé et qui contient de nombreux équipements de contrôles. De nombreux blindages ont été rajoutés, surtout après le premier vol, afin de protéger au mieux tous les équipements.
Vue globale du système de lancement avec commentaires - Extrait d'une vidéo SpaceX

Vue globale du système de lancement avec commentaires - Extrait d'une vidéo SpaceX

  • La ferme à ergols est un vaste ensemble de réservoirs d’azote, d’oxygène et de méthane liquides. Disposés au départ à la verticale pour la plupart, ils ont une double étanchéité, et sont au plus près du lanceur pour minimiser les pertes caloriques. D’énormes travaux ont été entrepris sur cette ferme, afin de passer l’ensemble des réservoirs à l’horizontale. En effet, lors des premiers lancements, (et surtout après le premier !), de nombreux débris avaient été éparpillés à très grande vitesse sur le site (jusqu’en mer), et le revêtement externe de bon nombre de réservoirs avait été très largement abimé. Pas trop de risque de fuites néanmoins, car chaque réservoir se trouve au sein d’un autre réservoir, et l’espace vide est comblé avec un isolant, de la perlite. De grosses modifications sont aussi entreprises au niveau des alimentations, afin de minimiser le temps de remplissage du vaisseau. Ce temps était de 97 minutes pour les vols numéro 1 et 2, il passe à une cinquantaine de minutes à partir du vol numéro 3. Des modifications sont aussi apportées au niveau des purges des réservoirs afin de récupérer le maximum d’ergols possible en cas d’annulation de vol, pour minimiser les approvisionnements externes.
  • La stardouche équipe désormais le pas de tir ! Elle n’était pas prête pour le vol numéro 1, et malgré les hautes caractéristiques du béton Fondag-RS, le pas de tir avait été tout simplement liquéfié. SpaceX a donc imaginé un système innovant. Une nouvelle dalle de 5 400 tonnes de béton de 20 mètres de diamètre est maintenant en place. Sur cette dalle et à la verticale des moteurs se trouvent 2 plaques d’acier enserrant en sandwich un réseau de tuyaux. La plaque supérieure est percée de multiples trous, comme une couronne de pommeaux de douche dont chacun est en vis-à-vis d’un moteur. Le pommeau central est plus grand, afin de créer un matelas d’eau. 3 énormes containers sont remplis de 1,4 millions de litres d’eau et fortement pressurisés à l’Azote. Lors du décollage, cette eau ultra froide mélangée à l’Azote est pulvérisée à contre-courant du feu des Raptors. Les calculs probabilistes indiquent que la plaque devrait subir une érosion de 0.5 mm par lancement, et vues ses caractéristiques, un changement devrait avoir lieu tous les 762 lancements, il y a donc de la marge !
Stardouche - Images SpaceX
Stardouche - Images SpaceX
Stardouche - Images SpaceX
Stardouche - Images SpaceX

Stardouche - Images SpaceX

  • L’anneau de hot staging est un nouvel élément qui a vu le jour sur le booster : le hot staging ring (anneau de séparation à chaud). Pour un lancement classique, lorsque le 1er étage a terminé sa combustion, il est coupé, largué, et le 2ème étage est mis en service. Mais il se passe quelques secondes où la poussée est à zéro, le lanceur continuant sa course sur son inertie. Il est donc judicieux de démarrer le 2ème étage avant que le 1er soit éteint. Mais il faut un déflecteur pour détourner les gaz du 2ème étage du sommet du 1er ! C’est le rôle de cet anneau de hot staging.
Photos SpaceX : à gauche, l’anneau de hot staging en cours de montage. A droite, extrait de la vidéo-transmission SpaceX, avec des commentaires personnels
Photos SpaceX : à gauche, l’anneau de hot staging en cours de montage. A droite, extrait de la vidéo-transmission SpaceX, avec des commentaires personnels

Photos SpaceX : à gauche, l’anneau de hot staging en cours de montage. A droite, extrait de la vidéo-transmission SpaceX, avec des commentaires personnels

  • Une deuxième tour orbitale est en construction, elle comporte tout le retour d’expérience de la tour numéro 1, et son assemblage avance à vitesse vertigineuse. Elle sera plus haute que la première afin d’accueillir les évolutions des prochains Starship, qui feront 30 mètres de hauteur supplémentaire. Pour sa finalisation, une nouvelle grue de 1 600 tonnes de capacité est en service fin juin 2024. Le contrat courant jusqu’au tout début de 2025, cette nouvelle tour sera donc construite en un peu plus de 6 mois ! On note aussi que les bras de rattrapage devraient être 30 % plus courts ! SpaceX fait énormément confiance à ses calculs de trajectoire, et officialise le retour du booster B12 vers la tour de lancement avant fin 2024, sûrement pour le vol numéro 5 ! Et ceci, au moment où le booster B15 est en fin d’assemblage, prêt pour le vol numéro 8 !

 

Résumé du vol numéro 1 - Flight test 1 (B7-S24) : 20 Avril 2023

Après le décollage avec 3 des 33 moteurs hors service, le véhicule subi plusieurs incendies dus à une fuite d’ergol à l’arrière du booster, coupant la connexion avec l’ordinateur de vol principal. Ceci entraine une perte de communication avec la plupart des moteurs. De plus, l’explosion du système de contrôle hydraulique d’orientation des moteurs provoque la perte totale de contrôle du véhicule. Le 2ème étage ne réussit pas à se séparer du 1er, ce qui génère une mise en rotation avant arrière, sans toutefois perturber l’intégrité structurelle de l’ensemble ! Le véhicule atteint néanmoins une apogée d’environ 39 Km, suite à l’activation tardive du système de fin de vol (FTS pour Flight Terminaison System). De graves dommages sont constatés au niveau du pas de tir et de l’environnement proche suite à la tornade rocheuse générée par les moteurs, et à l’absence, à la fois de carneau d’évacuation des gaz incandescents et de déluge d’eau.

 

Résumé du vol numéro 2 - Flight test 2 (B9-S25) : 18 Novembre 2023

De nombreuses modification sont intégrées : Le système de contrôle d’orientation du booster est maintenant électrique et non plus hydraulique. Le blindage entre les moteurs est renforcé et le système d’extinction d’incendie est amélioré pour le compartiment moteurs. La stardouche est en service, afin de ne pas reconstruire le pas de tir après chaque lancement ! A partir de ce vol, SpaceX commence à expérimenter la séparation à chaud (appelée hot staging), en mettant en service les 6 moteurs du ship avant la séparation avec le booster, qui lui, garde 3 moteurs allumés à 50 % de puissance. Ceci permet de maintenir la courbe de poussée optimale, par rapport à une configuration où le 1er étage est coupé le temps que le 2ème s’éloigne pour mettre en service ses moteurs. Pour ce faire, un anneau est intercalé entre les 2 éléments, le hot staging ring. Il sert de déflecteur afin que les gaz du ship ne consument pas le sommet du booster ! La tour elle-même est modifiée, notamment au niveau des connexions d’alimentations, car le nouvel anneau fait progresser la hauteur du booster de 2 mètres.

Les 33 moteurs du booster sont tous opérationnels lors du décollage, à pleine puissance jusqu’à la séparation des 2 étages à 75 Km d’altitude. La stardouche fonctionne bien, bien mieux que l’avaient dit certains prévisionnistes alarmistes ! Néanmoins, certains éléments seront changés à l’issue de ce vol, comme le système de maintien de l’ensemble avant le lancement. Des modifications seront aussi faites au niveau du bras d’alimentation à déconnexion rapide, le QD Arm (QD pour Quick Disconnect Arm).

La séparation à chaud est réussie, avec l’arrêt de 30 des 33 moteurs du booster, puis l’allumage des 6 moteurs du ship pour sa séparation. Le booster entame alors son retournement, puis son boost-back afin de revenir sur sa zone de lancement. 13 moteurs sont alors en service mais très vite, certains présentent des anomalies, et a priori, le blocage d’un filtre sur une conduite d’oxygène liquide alimentant les moteurs provoque la perte du booster par « démontage rapide imprévu », selon la formule consacrée par SpaceX. Les capacités de filtration seront revues pour le prochain vol, et la chronologie de mise en service des moteurs sera repensée, afin de minimiser les coups de bélier sur les liquides.

Les 6 moteurs du ship le propulsent à 150 Km d’altitude à une vitesse de 24 000 Km/h. C’est le premier vaisseau qui atteint l’espace et qui termine presque sa mission. Presque, car après 8 minutes de vol, et quelques secondes avant le SECO (coupure second étage) prévu, une fuite d’oxygène liquide provoque des incendies, ce qui entraine une perte de communication entre le vaisseau et le centre de contrôle. Pour la petite histoire, SpaceX souhaitait vérifier le paramétrage d’une réelle mise en orbite de satellites. Pour simuler cette masse, c’est une quantité supplémentaire d’oxygène liquide qui avait été embarquée. Les tests faits, il était nécessaire de purger cet oxygène afin de reparamétrer le vol en configuration de rentrée atmosphérique. C’est lors de la purge de cet oxygène à l’arrière du ship qu’une fuite est apparue, et a provoqué un incendie. Les ordinateurs de bord ont demandé une extinction des moteurs, ce qui a généré un écart au plan de vol théorique et un déclenchement du système de terminaison de vol.

Résumé du vol numéro 3 - Flight test 3 (B10-S28) : 14 Mars 2024

Tous les moteurs fonctionnent du décollage à la séparation à chaud. Après le hot staging, le booster se retourne pour amorcer son boost-back, mais 6 moteurs s’arrêtent, rendant impossible le retour à la cible. Le booster tente néanmoins un atterrissage en envoyant une commande de démarrage aux 7 moteurs restant disponibles sur les 13 nécessaires, mais seuls 2 d’entre eux se mettent en marche. Le booster est alors détruit à 450 mètres d’altitude. La cause de l’arrêt des 6 moteurs lors de la procédure de boost-back serait à nouveau un problème de filtre sur l’alimentation en oxygène. Il est rare chez SpaceX qu’un problème corrigé se reproduise, gageons que la résolution sera définitive pour le prochain vol.

Le ship quant à lui continue sa course vers l’espace, avec une couverture vidéo époustouflante ! Le test d’ouverture/fermeture de la porte de soute (caméra interne !) et le test de transfert d’ergol (10 tonnes) sont engagés et réussis. On constate néanmoins quelques difficultés pour le ship à maintenir son attitude, le vaisseau tournoyant lentement sur lui-même. Une vanne bloquée aurait maintenu l’un des propulseurs de contrôle d’attitude en position ouverte, générant une force continue de rotation. Cette instabilité de la position du ship conduit le système à annuler le redémarrage d’un moteur. Le ship réalise néanmoins sa rentrée atmosphérique en rotation lente, en présentant alternativement les faces protégées et non protégées de sa carlingue au plasma. SpaceX emmagasine d’énormes quantités de données, car le vaisseau supporte sa rentrée jusqu’à une perte de contact à environ 65 km d’altitude. Des propulseurs supplémentaires de roulis seront rajoutés au-dessous de la porte de soute afin d’avoir une redondance sur le contrôle d’attitude.

On note la performance de la transmission Starlink, avec les caméras intégrées au vaisseau qui envoient le flux vidéo aux satellites Starlink, qui le retransmettent aux stations au sol. Le flux vidéo n’est donc plus perturbé par le plasma formé lors de la rentrée atmosphérique car il est orienté vers l’espace et non plus vers la Terre. Ceci nous donne toujours des images spectaculaires !

Positionnement des moyens de communication sur IFT 4 – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

Positionnement des moyens de communication sur IFT 4 – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

Présentation du vol numéro 4 - Flight test 4 (B11-S29) : 6 Juin 2024

Quelques éléments notables

L’un des objectifs de ce vol est de simuler l’atterrissage du booster sur une tour virtuelle située juste au-dessus du golfe du Mexique, et de vérifier les capacités du ship à survivre à une rentrée atmosphérique, tout en simulant son atterrissage à la verticale en plein océan. Pour le booster, les coordonnées de la tour de rattrapage (donc de lancement) sont simplement remplacées par celles d’un point dans l’océan, à 37 Km des côtes. Un « bruit de couloir » indique aussi que les bras de la tour devraient en même temps simuler le rattrapage du booster. Il est aussi prévu de larguer l’anneau de hot staging après la séparation des 2 étages, afin de minimiser la masse du booster, et de redescendre son centre de gravité pour sa procédure de retour.

Sur le ship 29, la colle bleue utilisée pour les tuiles est remplacée par une colle rouge, sur certaines zones. Au-delà de la couleur, SpaceX cherche à améliorer le maintien des tuiles sur la structure avec différents produits, car régulièrement, et même lors de simples allumages statiques, certaines d’entre elles se détachent. L’accident de la navette Columbia fait malheureusement référence sur ces pertes de tuiles, car si l’une d’elle venait à se détacher lors de la rentrée atmosphérique, ce serait une porte d’entrée pour le plasma extérieur, qui ferait rapidement fondre la structure du vaisseau. On note quelques modifications structurelles au niveau des grid fins, les grilles de guidage du booster lors de son retour, qui sont fortement sollicitées, y compris au décollage car SpaceX a fait le choix de grilles non repliables pour simplifier le système.

Le réservoir de Méthane est lui-aussi modifié, il dispose d’une nouvelle vanne de purge et des renforts internes rigidifiés afin de minimiser les contraintes mécaniques lorsque les 2 éléments sont empilés. Les évents des réservoirs sont aussi modifiés, ils permettent lors des remplissages d’évacuer la phase gazeuse des ergols, car l’oxygène et le méthane liquides sont cryogéniques, donc à très basse température, et ils se réchauffent très rapidement, repassant de phase liquide à phase gazeuse. Les évents permettent donc d’évacuer la phase gazeuse afin de laisser place au remplissage en phase liquide.

Particularité de ce ship 29 : Il manque des tuiles, enfin, 3 tuiles, dont les emplacements instrumentés devraient révéler d’importantes informations sur les contraintes thermiques adjacentes.

2 tuiles remplacées par des capteurs (il y en a 3 en fait) – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

2 tuiles remplacées par des capteurs (il y en a 3 en fait) – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

Le profil de vol

Le profil de vol est le même que pour le vol 3 : Décollage du Texas puis après 2 minutes 45 de vol, séparation des 2 étages et manœuvre de boost back du booster. Le posé est prévu à la verticale, à environ 37 Km des côtes, le booster étant ensuite sensé se coucher et couler, après l’ouverture des évents des réservoirs, d’où sûrement la modification citée plus haut. Si le booster ne coule pas, SpaceX a reçu l’autorisation de tirer à l’arme à feu afin d’y créer une brèche !

En parallèle, le ship se propulse vers les Caraïbes puis l’Afrique du Sud, le sud de Madagascar, avec un posé prévu dans l’océan indien, au Nord-Ouest de l’Australie. Il devrait atteindre une altitude de 235 Km et procéder à sa rentrée atmosphérique après une quarantaine de minutes de vol.

Le vol numéro 4 du 6 Juin 2024 à 14h50 UTC + 2 en détails

Le remplissage des réservoirs est en cours, les évents jouent leur rôle et diffusent alentour un genre de couverture nuageuse basse, d’où émerge la plus haute fusée du monde, majestueuse. Les vues aériennes issues des drones de SpaceX montrent bien les 3 derniers réservoirs encore en position verticale.

Vues aériennes du site de lancement par les drones de SpaceX – Images SpaceX
Vues aériennes du site de lancement par les drones de SpaceX – Images SpaceX

Vues aériennes du site de lancement par les drones de SpaceX – Images SpaceX

SpaceX fait un petit clin d’œil cinématographique en affichant sur son live les tailles comparatives d’un astronaute, de la Falcon 9, du Starship, et du Faucon Millénium de Star Wars. On est bien chez SpaceX, l’humour est au rendez-vous, et n’est pas incompatible avec le sérieux !

Comparatif des tailles de vaisseaux – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

Comparatif des tailles de vaisseaux – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

Le compte à rebours s’égrène sans anomalie, tous les secteurs sont GO pour le lancement. A T0, les 33 moteurs se mettent en marche dans un rugissement incroyable, qui fait saturer les micros sur le site. Mais à T0 + 5 secondes, l’un des moteurs de la couronne externe s’arrête, pas de problème pour la suite car Starship peut décoller avec 3 moteurs hors service. Néanmoins, il y a toujours le risque qu’une avarie provoque une explosion et que cela s’étende aux autres moteurs. Mais SpaceX a renforcé les blindages entre les différents organes, et aucune conséquence ne vient perturber l’ascension du véhicule. Max Q, le point de vol où les contraintes aérodynamiques sont maximales est dépassé, et le véhicule devient supersonique à 11 Km d’altitude, plus de 1 200 Km/h, 1 minute 10 secondes après son décollage.

Décollage du Starship IFT 4 et perte rapide de l’un des 33 moteurs – Extrait de la vidéo-tranmission SpaceX
Décollage du Starship IFT 4 et perte rapide de l’un des 33 moteurs – Extrait de la vidéo-tranmission SpaceX

Décollage du Starship IFT 4 et perte rapide de l’un des 33 moteurs – Extrait de la vidéo-tranmission SpaceX

A T0 +2 minutes 47, Main Engine Cut Off : les moteurs du booster se coupent, mais 3 restent en service pour assurer une continuité dans la poussée. Les 6 moteurs de Starship se mettent en service et propulsent les gaz de combustion au travers de l’anneau de hot staging. Le ship s’éloigne du booster qui entame sa procédure de boost back avec les 13 moteurs de la zone interne en service, les 20 de la couronne externe restant éteints. A T0 + 3 minutes 48, seuls les 3 moteurs de la zone interne sont laissés en service, mais pour quelques secondes, car à T0  + 3 minutes 56, le boost back est terminé, tous les moteurs sont éteints, le booster est sur la bonne trajectoire. A T0 + 4 minutes 10, l’anneau de hot staging est largué, afin de diminuer la masse du booster, qui vient de dépasser les 100 Km d’altitude.

Démarrage du ship, séparation du booster et largage de l’anneau de hot staging – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX
Démarrage du ship, séparation du booster et largage de l’anneau de hot staging – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

Démarrage du ship, séparation du booster et largage de l’anneau de hot staging – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

Sur son inertie, le booster passe le sommet de sa parabole, et commence à redescendre en accélérant. Il repasse sous la limite de Karman, la frontière des 100 Km entre l’espace et l’atmosphère, à plus de 1 800 Km/h. Le ship continue son ascension avec ses 6 moteurs en service, il est au même moment à 138 km d’altitude et passe les 10 000 Km/h. Le booster fonce vers la Terre, enfin, vers la mer, les grid fins jouent leur rôle de stabilisation de la trajectoire et de freinage, mais la vitesse est énorme, et l’altitude décroit très rapidement. Ce n’est qu’à 1 Km d’altitude que les 13 moteurs de la zone interne redémarrent, l'un d'eux manque à l'appel, mais le freinage est immédiat, les caméras du booster filment l'amerrissage, la surface arrive à toute vitesse, mais le freinage est maîtrisé. Juste avant l'approche finale, seuls 3 moteurs restent en srevice jusqu'au splash down, un posé sur l'eau magistral d'un booster de 70 mètres de haut, à T0 + 7 minutes 30 !

Freinage final dans la couverture nuageuse et splash down du booster – Live SpaceX
Freinage final dans la couverture nuageuse et splash down du booster – Live SpaceX

Freinage final dans la couverture nuageuse et splash down du booster – Live SpaceX

Le ship continue toujours sa progression et à T0 + 8 minutes 10, ses 3 moteurs externes sont arrêtés, il vient de passer les 25 000 Km/h à une altitude de 147 Km. Puis les 3 moteurs centraux sont arrêtés, le ship est presque en orbite, car il ne doit faire que les 3 quarts d’un tour de Terre avant sa rentrée atmosphérique. Plusieurs minutes s’écoulent avec uniquement la transmission télémétrique, SpaceX précisant que la procédure est nominale, de là à dire qu’ils font des tests secrets …

A T0 + 37 minutes, la vidéo revient, réacheminée par Starlink, avec la transmission d’une image d’un aileron de tête. Le ship est stable et passe au-dessus de l’Afrique à 110 Km d’altitude et presque 27 000 Km/h.

On commence à percevoir le plasma autour de la carlingue, suite aux frottements avec la haute atmosphère.

Apparition du plasma autour du ship – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

Apparition du plasma autour du ship – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

Les ailerons (flaps) commencent à s’orienter afin de gérer la trajectoire, qui est extraordinairement stable, tout comme les images. Le bouclier thermique joue son rôle à la perfection, l’altitude et la vitesse baissent de manière nominale, et chacun retient son souffle !

A T0 + 50 minutes, SpaceX annonce que le point le plus chaud est atteint, à 70 Km d’altitude et presque 26 000 Km/h, la trajectoire d’entrée est toujours correcte. La trainée atmosphérique commence à se faire remarquer, à moins qu’il ne s’agisse d’un début de perte d’intégrité de certains organes. Altitude et vitesse continuent à baisser, mais à 63 Km et 20 000 Km/h, il devient certain que les particules éjectées sont signe d’une désintégration partielle du flap qui est juste devant la caméra. Le ship continue à traverser l’atmosphère qui est une véritable fournaise, entouré de milliers de particules incandescentes, qui proviennent de la destruction lente du bouclier thermique. Mais ça tient, il n’y a pas d’explosion, et les flaps continuent à gérer la trajectoire. A 56 Km, SpaceX annonce que les températures sont en train de redescendre, mais la vidéo montre de manière flagrante une perte d’intégrité au niveau du flap devant la caméra. De nombreux morceaux en flamme s’en échappent, et on reconnait sans peine les tuiles hexagonales de protection. Le flap fond littéralement, il ne semble en rester que le squelette, mais il continue son rôle ! A T0 + 1 heure, le signal est perdu, le ship est à 47 Km d’altitude et à 10 700 Km/h, cela semble en être fini, le flap a dû rendre l’âme.

Mais quelques secondes plus tard, le flux vidéo revient, le ship n’est pas détruit, la télémétrie indique toujours que la trajectoire est nominale ! Une nouvelle perte de signal intervient lors du passage de Max Q, mais la progression de la télémétrie indique que le ship est toujours intègre. Et le flux vidéo revient à nouveau, « the ship is still alive ! » indique la commentatrice de SpaceX ! Et devant l’étonnement de tous, les flaps verticalisent le vaisseau, même presque détruits, ils ont continué à assurer leur rôle ! Le ship se pose en mer, la mission est réussie.

Des particules incandescentes s’échappent, puis des tuiles de protection – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX
Des particules incandescentes s’échappent, puis des tuiles de protection – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

Des particules incandescentes s’échappent, puis des tuiles de protection – Extrait de la vidéo-transmission SpaceX

Le flap fait néanmoins le job !

Le flap fait néanmoins le job !

Un peu plus d’un an après le premier test en vol, SpaceX réitère donc un succès avec ce 4ème vol. Un moteur de la couronne externe s’est arrêté juste après le décollage, un autre n’a pas démarré lors du boost back, mais pour la première fois, le booster a réussi son atterrissage tandis que le vaisseau a réussi sa rentrée malgré d’importants dégâts, notamment au niveau d’un flap. Pour cet évènement, SpaceX a créé une vidéo hollywoodienne de 2 minutes 40, que l’on pourrait croire issue d’un film de science-fiction. Voici le lien : https://youtu.be/j2BdNDTlWbo.

 

Les modifications post Vol 4

A peine le vol terminé, et même à partir du décollage, le retour d’expérience est en place. Quelques heures après le lancement, les équipes constatent des débris alentour, surtout au niveau de la ferme à ergols. 3 réservoirs sont d’ailleurs encore à démanteler pour les placer en position horizontale, et tout sera opérationnel pour le vol numéro 5. La ferme à ergols alimentera les 2 tours de lancements, la première sera mise à jour lorsque la seconde sera opérationnelle. Cette tour numéro 2 comporte de grosses modifications structurelles, avec une base composée de colonnes d’acier de 5 cm d’épaisseur dans lesquelles du béton est injecté. Un enregistreur de la marque Geokon sera chargé du suivi des vibrations et de l’inclinaison de la structure, qui se trouve être assemblée en quelques jours !

Les conduites cryogéniques ne seront pas changées après ce vol, mais le bras de ravitaillement, le Quick Disconnect Arm a besoin d’un petit coup de jeune !

A partir du ship 30, de nouvelles tuiles seront utilisées. Car bien sûr, ce vaisseau est déjà construit, et ses 18 000 tuiles doivent être détachées pour intégrer un nouveau revêtement isolant entre elles et la structure. Ce nouveau revêtement est du Pyron, il remplace la laine de kaolin à certains endroits du fuselage. Ce polymère est composé de fibres acryliques chauffées à très haute température afin de stabiliser leur structure moléculaire et les rendre extrêmement résistantes aux flammes et à la chaleur. Coïncidence ou stratégie ? Le fournisseur de ce matériaux, l’entreprise Zoltek, dispose d’une usine de production au Texas, à distance raisonnable de Boca chica ! Cette nouvelle configuration était en test sur quelques tuiles du ship 29 (les tuiles visuellement manquantes du paragraphe III – 1), test ayant dû s’avérer satisfaisant.

A noter que 98 % des tuiles sont identiques, à la différence de celles de la navette qui étaient toutes uniques. Ceci facilitera grandement la maintenance et la production à la chaîne. Le bouclier thermique du ship 30 devrait être deux fois plus résistant que celui du ship 29. C’est en fait un double bouclier, avec les nouvelles tuiles, et la nouvelle sous-couche ablative.

L’ensemble des installations sera progressivement modifié pour une cadence accrue de tirs, jusqu’à 9 par an !

Les futurs boosters auront 35 moteurs Raptor contre 33 actuellement. Leur fiabilité devrait être augmentée, car sur le vol numéro 4, un moteur s’est arrêté juste après le décollage, et un autre ne s’est pas allumé lors du freinage final. SpaceX travaille aussi sur la simplification et proposera bientôt une nouvelle version, qui est visuellement extrêmement simplifiée, tout en offrant des caractéristiques plus importantes.

Le vol numéro 5 est prévu rapidement, au quatrième trimestre 2024 normalement, avec son lot d’innovations et d’avancées notables. Le clou du spectacle sera le rattrapage du booster par la tour de lancement, ce qui nécessitera une grande précision au niveau de la trajectoire de retour.

La réussite du projet est la clé du retour sur la Lune, et les équipes de SpaceX travaillent d’arrache-pied à sa concrétisation.

Terminons sur une magnifique image de SpaceX, celle de la mise à feu statique du véhicule qui sera utilisé pour le vol numéro 5.

Starship vol 5 - Essai statique - Image SpaceX

Starship vol 5 - Essai statique - Image SpaceX

Rappel des liens internet :

#SpaceX #Starship #Starbase #BocaChica #mars #Artemis #NASA #elonmusk

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