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Le blog des Amis de la Cité de l'espace

La coopération spatiale mise à mal par l'invasion russe en Ukraine

9 Mars 2022 , Rédigé par Philippe Marchal Publié dans #Points de vue, opinions et débats, #Géopolitique spatiale, #Actualité spatiale

 

Russie - Ukraine - Invasion - Crise - Guerre - Impact sur le spatial - Soyouz - Oneweb - Roscosmos

Impact de l'invasion de l'Ukraine par la Russie : annulation du lancement Oneweb et retour au hangar
pour la fusée Soyouz. Crédit image : Roscosmos

 

Coopération ou confrontation

Traditionnellement, le secteur spatial a toujours été un modèle de coopération pacifique entre nations, au principal bénéfice de la science et de la technologie.

Le programme de la Station Spatiale Internationale (ISS) en est l’exemple le plus emblématique et le plus concret.

Même s’il est très peu probable que la Russie mette en péril le bon fonctionnement de l’ISS (pour mémoire, les Russes ont en charge son pilotage tandis que les Américains en fournissent l’énergie), il n’en est pas moins vrai que la coopération spatiale internationale avec la Russie est aujourd’hui mise sur la sellette et promet d’être impossible demain si le Président Poutine reste au pouvoir.

 

La question de l'accès à l'espace

Le domaine des lanceurs est le plus immédiatement et le plus durement impacté.

La réponse russe aux sanctions économiques européennes a été de suspendre les lancements de Soyouz opérés par Arianespace, depuis le CSG ou depuis Baïkonour.

Cette décision immobilise au sol plusieurs satellites occidentaux, le satellite militaire français CSO-3, les satellites scientifiques Euclid et EarthCare de l'Agence Spatiale Européenne, 4 nouveaux satellites de la constellation Galileo de l'Union européenne, et les 240 satellites restant à lancer de l’opérateur privé OneWeb, qui misait beaucoup sur la Russie.

Elle oblige Arianespace à trouver une solution de repli, ce qui constitue un vrai casse-tête opérationnel autant qu’un coup dur commercial et financier. Car Vega a son carnet de commandes rempli, il ne reste plus que quelques Ariane5 déjà toutes réservées, et la transition vers Vega C et Ariane 6 que facilitait Soyouz reste encore très incertaine. D’autant plus pour Vega que les moteurs du 4ème étage (AVUM+) de Vega-C sont fabriqués en Ukraine dans un site bombardé par les Russes, et que la version Vega-E 100% européenne n’est pas finalisée, son premier vol n’étant attendu qu’en 2026 !

 

Oneweb : première victime

Pour Oneweb, la problématique est aussi particulièrement critique.

Il reste 5 lancements qui devaient tous être effectués en 2022 depuis Baïkonour, de façon à permettre la mise en service commercial de la constellation (fourniture d’Internet sur l’ensemble du globe). Et les vols seraient déjà payés… La question est de savoir qui pourra prendre la suite du Soyouz pour finaliser le déploiement orbital de la constellation.

Le New Space européen n’est pas épargné non plus, car de nombreuses startups ont noué des partenariats avec l’Ukraine pour développer les moteurs de leurs futures fusées et vont inéluctablement devoir adapter leur stratégie.

 

Ukraine - Russie - Guerre - Crise - Invasion - Impact sur le spatial - Drapeaux - Coopération - Roscosmos - Soyouz

Un triste symbole d'une coopération spatiale menacée :
l'effacement des drapeaux sur le lanceur Soyouz. Crédit image : Roscosmos

 

La mission Exomars menacée

La science aussi ne fait pas exception, car les programmes scientifiques sont essentiellement menés en coopération.

Il y a en particulier de grosses interrogations sur la mission robotisée  ExoMars, programmée pour un décollage en septembre prochain depuis Baïkonour. La mission européenne est réalisée en étroite collaboration avec la Russie, elle a déjà été repoussée par deux fois en 2018 et en 2020 et elle pourrait définitivement passer à la trappe , effaçant ainsi plus de dix ans de développements coûteux.

Et d’autres collaborations, notamment liées à des missions vers la Lune ou vers Venus, pourraient aussi être mises entre parenthèses, en fonction de la durée et des conséquences du conflit.

Par ailleurs, les Russes ont montré leur capacité d’intervention et de  nuisance en orbite, avec leurs satellites espions dont le plus célèbre est Luch-Olymp, qui butinent en orbite géostationnaire et pourraient venir brouiller les systèmes de communications.

Mais plus grave, il y a eu récemment le tir de missile ASAT qui a détruit un vieux satellite russe en orbite basse et provoqué un nuage de débris, à fort potentiel de perturbation pour le fonctionnement de nombreux satellites stratégiques, comme ceux d’observation civils et militaires, dont les images révèlent en temps quasi-réel la réalité du conflit et l’état du terrain. Ce conflit met en avant le risque aggravé de "bataille de l’espace" dont les autorités spatiales sont aujourd’hui contraints de tenir compte.

 

Comme un avion sans aile...

Last but not least, il faut rappeler que l’Ukraine fournit les énormes avions cargo Antonov, qui acheminent une grande partie des satellites vers leurs sites de lancement. Ces avions basés aux environs de Kiev pourraient être indisponibles, endommagés, et leur trouver des solutions de remplacement ne sera pas chose facile.

La guerre russo-ukrainienne laissera inéluctablement des traces durables sur le secteur spatial, créant un terrible gâchis après des décennies de belles coopérations.

 

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